Les coulisses du reportage

par Hélène Capdeviolle (journaliste)

Une idée de départ

Avant de faire ce reportage, le survivalisme était un mouvement qui m’intriguait, voire même qui m’effrayait un peu. J’avais entendu parler de personnes qui construisaient des bunkers pour se protéger en cas de fin du monde, qui faisaient des stocks de nourriture… Je trouvais cela complètement fou ! Pour en savoir un peu plus, j’ai eu envie de faire un reportage sur le sujet. C’est là que j’ai commencé à lire plusieurs articles, à regarder des reportages sur ce mouvement, qui est en réalité bien plus compliqué que ce que j’imaginais.

La naissance d’un sujet

Je me suis rapidement dit que le meilleur moyen de parler du survivalisme, c’était de le « vivre » de l’intérieur, pour pouvoir témoigner d’une (presque) vraie situation de survie. Beaucoup de sociétés organisent aujourd’hui des stages. J’en ai choisi une qui proposait des initiations à la survie – même si finalement, celui auquel j’ai participé a été un peu plus compliqué !

Préparer le reportage

J’ai commencé par m’acheter une tenue de randonnée car je n’étais pas assez équipée. Tout était expliqué sur le site de l’entreprise organisant le stage et j’ai bien suivi la fameuse règle des « trois couches » pour ne pas avoir froid !

Je fais du sport trois fois par semaine donc je pensais que je n’aurai pas de problème pour suivre… Je me suis un peu trompée : marcher une si longue distance sans dormir demande une bonne endurance, et soyons honnête, j’ai un peu souffert !

Avant le stage, j’ai beaucoup lu et enquêté sur le sujet, interviewé de nombreux spécialistes de la question car je savais que le stage ne serait pas l’essentiel de mon article. Il me fallait d’autres informations pour le nourrir.

En reportage

Le stage en lui-même a été une forte expérience : je ne pensais pas que marcher pendant 24 heures et sur une telle distance allait être aussi fatigant, physiquement et mentalement. J’étais la seule fille mais cela n’a posé aucun problème. Ils n’ont pas changé le niveau pour autant et c’est tant mieux, j’étais un membre du groupe comme un autre.

J’ai senti l’entraide entre nous. Papoter à 3 heures du matin de tout et rien permet de tenir le coup ! Je ne prenais pas de notes pour vivre le stage à fond. En revanche, j’ai pris énormément de photos et elles m’ont beaucoup servi au moment de la rédaction.

Les surprises

Je n’imaginais pas à quel point la lumière du jour a un impact. Quand le soleil s’est levé, j’ai senti une nouvelle énergie dans mon corps. J’ai aussi constaté à quel point le mental est capital, c’est une vraie force. J’entendais les survivalistes me le dire pendant les interviews précédents le stage, mais l’ayant vécu, je l’ai vraiment compris !

La partie la plus intéressante de ce reportage a été pour moi de rencontrer des personnes vraiment survivalistes et de discuter longuement avec eux. Certains imaginent un monde futur où seuls les meilleurs et les plus préparés pourront s’en sortir. D’autres à l’inverse souhaitent un retour vers la nature et une ouverture aux autres. Comment survivre avec ou contre les autres ? C’est parfois presque de la philosophie ! Ces réflexions résonnent avec les questions actuelles sur l’écologie et l’avenir de la planète.

Trouver sa place

Il n’a pas toujours été facile d’obtenir des témoignages : parmi les personnes que j’ai contactées, plusieurs ne m’ont pas répondu car ils se méfient des journalistes. Dans ce type d’interview, il faut arriver à expliquer le plus clairement possible son travail et l’objet de son article, tout en gardant le plus possible de distance. Quand je fais un reportage, je ne suis pas là pour juger les gens que je rencontre. Il faut être suffisamment agréable avec eux pour qu’ils me fassent confiance et me donnent des informations mais je ne suis pas là non plus pour me faire des amis. Garder cette bonne distance permet davantage de liberté pour aborder tous les sujets et même ceux qui fâchent (ex : sur les armes). J’ai mon avis mais je dois être prête à écouter ce que l’autre a à me dire. Mon métier de journaliste est de trouver cet équilibre et c’est d’autant plus important dans ce type de reportage où l’on partage un moment fort. Ce n’est pas toujours évident, mais c’est nécessaire si on ne veut pas passer à côté des informations les plus importantes.

Écrire au « je »

Dès le début, je savais que j’allais écrire ce texte à la première personne du singulier. C’est un témoignage et le vivre est la meilleure façon de faire. Mais attention, ce n’est pas un journal intime non plus. Chaque phrase doit apporter une information au lecteur, lui apprendre des choses, pas question de le noyer dans mes émotions ! j’avais listé tous les points à aborder et je me demandais sa cesse en quoi ce que j’écrivais était important pour le lecteur.

 

Aller plus loin

Livre

MASCA, Manuel de Survie en Cas d’Apocalypse, d’Erik L’Homme et Éloïse Scherrer (Gallimard Jeunesse) dès 9/10 ans.  Ce roman raconte l’histoire de Justin qui, à la suite d’une catastrophe climatique, doit se débrouiller seul en pleine nature pour retrouver sa famille. Le thème de la survie est abordé avec humour, mais c’est aussi un véritable guide !

Documentaire

Survivre est une série documentaire d’Alexandre Perrin. Les cinq épisodes abordent les différentes formes que peut prendre le mouvement, y compris certains aspects plus extrêmes : aménagement de sa maison, construction d’un abri souterrain, armes…

https://www.france.tv/s!ash/survivre/

Film

Les Combattants, un film de Thomas Cailley (2014) pour les plus grands.
Un été, Arnaud rencontre Madeleine, drôle de fille, qui rêve de rentrer dans l’armée et passe tout son temps à se préparer pour survivre à toutes les catastrophes. Une histoire d’amour et de survie. Bande annonce :

 http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19545561&cfilm=225865.html